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  • Photo du rédacteurMarine Baby

L'écart empathique racial

Dernière mise à jour : 11 janv. 2023

Attention: Attention, ici, nous abordons l'écart ou déficit empathique dans une dimension cognitive et sociologique et pas psychologique (le TDE: Trouble Déficitaire de l'Empathie).


Photo de Kristopher Roller (Unsplash)



Qu'est-ce que l'empathie?


L'empathie est une fonction sociale importante qui nous permet de réguler nos émotions et nos rapports sociaux.

C'est la capacité de ressentir ce que l'autre resent et se mettre à sa place, contrairement à la compassion qui n'implique que le sentiment partagé à un instant donné. L'empathie a donc une valeur temporelle plus longue et peut entraîner une remise en question plus rapide que la compassion.



L'empathie et la sociologie


Selon l'Université de Montréal :


"La sociologie est l'étude des relations, actions et représentations sociales par lesquelles se constituent les sociétés. Elle vise à comprendre comment les sociétés fonctionnent et se transforment. Elle s'intéresse aux :

  • Rapports individus-société

  • Parcours de vie

  • Actions sociales tels le travail, la science, les mouvements sociaux

  • Groupes sociaux tels les familles ou les réseaux d'amis

  • Organisations telles les écoles ou les entreprises

  • Sociétés entières dans leurs aspects culturel, technologique, économique, politique

  • Enjeux planétaires tels la migration internationale ou l'environnement"


On le sait, il n'existe pas de "race" biologique. Nous sommes toustes humain.e.s avec des spécificités génétiques familiales.


Or, dans de nombreuses sociétés, il existe une hiérarchisation d'êtres humains en fonction de critères (souvent physiques et arbitraires) visant à placer un groupe de personnes au-dessus des autres et ainsi s'octroyer un maximum de privilèges.

C'est le cas des castes en Inde, de la classification ethnique en Chine ou encore dans tous les pays majoritairement Blancs (européens-esclavagistes et colonisateurs).


L'empathie raciale est donc la capacité à compatir, comprendre et se mettre à la place d'un groupe de personnes subissant une oppression systémique et sociétale nommée racisme (négrophobie, islamophobie, anti-asiatique ou antisémitisme).



Qu'est-ce que l'écart empathique?


L'écart empathique est l'incapacité à comprendre les difficultés rencontrées par un groupe de personnes spécifique.


C'est la conséquence directe de biais cognitifs.


Les biais cognitifs sont des erreurs de raisonnement et de jugement ancrés dans la pensée. (Tversky A. et Kahneman D.). Ils n'ont aucune logique ou rationalité. Ils sont le fait que "Le cerveau fonctionne en catégorisant les informations qui sont trop nombreuses à retenir et à analyser. Ce schéma de pensée est utile au quotidien. En revanche, dans un contexte social, cette catégorisation prend la forme d'une altérisation, c'est-à-dire qu'on va mettre à distance celui.celle qu'on considère "autre", tout en lui donnant des caractéristiques culturellement biaisées. " (Ally Book Club, "Biais cognitifs en milieu scolaire", Instagram).



L'écart empathique racial


L'écart empathique racial, c'est le fait qu'un groupe de personnes ait peu ou pas d'empathie pour les personnes appartenant à un autre groupe racial que le leur.


Cet écart est d'autant plus grand quand il s'agit du groupe racial dominant envers les groupes raciaux dominés qu'entre les groupes raciaux dominés.


Par exemple, dans les sociétés dites "occidentales", le groupe racial ayant le plus grand écart empathique racial est le groupe blanc car il ne se considère pas comme un groupe racial, mais comme étant la "norme".



Différentes manifestation de l'écart empathique racial:


Attention: tous les exemples concernent l'écart empathique racial dans les sociétés dites "occidentales" (Europe et Amérique du Nord), par souci d'honnêteté car je suis Française vivant aux Etats-Unis.


1- Le domaine médical :

Les professionnels de la santé prennent moins au sérieux la douleur des personnes racisées (surtout les Noir.e.s). Iels doivent considérablement moins d'anti-douleurs aux personnes racisées à la peau foncée qu'aux autres.

Iels ont rarement étudié des corps racisés et pensent que les personnes noires ont une peau plus épaisse ou ressentent moins la douleur. C'est ce qui est appelé "Le Syndrome méditerannéen".

Les personnes non-blanches connaissent bien plus l'errance médicale que les Blanc.he.s (passer d'un.e médecin à un.e autre pour trouver la cause d'un problème médical).

Fig.2 : les scans des cerveaux de personnes blanches montrent qu'iels réagissent plus fortement en voyant une personne blanche (caucasians) souffrant que les autres (Forgiarini M. and co, 2011)


2- Le cinéma et les médias :

De nombreuses études, et notamment celle de Gutsell & Inzlicht (2010), ont montré que l'activité du cerveau des personnes blanches se réduit considérablement lorsque les personnages principaux sont noirs. À titre comparatif, leurs cerveaux produiraient autant d'activités que lorsqu'iels regardent un écran blanc...


Fig 3.: Analyse des scans de l'activité des cerveaux de personnes blanches regardant des films avec des acteurs/actrices blanc.he.s ou noir.es connu.e.s ou non. Les "cinéphiles" montrent à chaque fois une baisse d'intérêt quand le casting n'est pas 100% blanc... (Weaver A.J, 2011)


3- L'enseignement:

Un.e enseignant.e aura plus d'empathie pour un.e élève blanc.he rencontrant des difficultés que pour un.e élève racisé.e (Downey & Pribesh, 2004). Il y a toutefois une nuance à faire entre les élèves asiatiquetés et notamment de l'Est qui jouissent du stéréotype de la "minorité modèle" (celle qui est perçue positivement, mais subit tout de même la fétichisation et insultes racistes) et les autres élèves racisés.

Les élèves recevant le moins d'empathie racial, sont les élèves noirs.



Peut-on réduire l'écart empathique racial?


A priori, oui, mais c'est un travail actif et quasiment quotidien.


Il faut être en mesure de mettre de côté son ego et d'admettre qu'on soit dans une position de domination raciale.


Il faut lire, écouter, regarder les témoignages de personnes racisées expliquant leurs vécues et ce qu'elles attendent des personnes non-concernées par le racisme ou cette forme de racisme. Mais, aussi, trouver des ouvrages, vidéos ou podcasts spécialisés dans l'antiracisme ET créer par des personnes racisées.


Il faut aussi se faire une liste des stéréotypes, propos et comportements racistes qu'on a eu et chercher activement à comprendre leurs origines.


Le travail peut sembler laborieux plus on est âgé. Les biais cognitifs d'un enfant de 12 ans ne sont pas les mêmes que d'une personne de 62 ans. La réduction de cet écart ne peut être le fruit que d'une volonté sincère.



Conclusion


Lorsqu'on parle de racisme systémique, c'est bien parce qu'il y a un problème de représentation et d'analyse des expériences des personnes non-blanches dans les médias, les études et les institutions.


L'écart empathique racial en est une des conséquences. Il met même en danger les personnes racisées (ex.: lors d'une opération chirurgicale), il rend nos morts anecdotiques et il impacte nos santés mentales (ex.: la peur de parler de nos agressions raciales et de ne pas être cru.e).


Il est possible de réduire cet écart, mais encore faut-il avoir envie de le faire.


Note:

L'écart empathique peut s'appliquer à d'autres oppressions systémiques:


ex 1.: les hommes cisgenres ont peu d'empathie pour les femmes racontant les violences misogynes qu'elles subissent (sexisme).


ex 2.: les personnes valides ne comprennent pas l'importance de continuer de porter un masque pour la sécurité des personnes handicapées et des personnes âgées (validisme et âgisme)



Sources:


Ally Book Club, " Les biais cognitifs des enseignant.e.s et leurs conséquences", Instagram (@ally.bookclub), 1er Juillet 2022



Downey, D. B. and Pribesh, S., When Race Matters: Teachers’ evaluations of students’ classroom behavior, American Psychological Association, 2004.




Gutsell, J.N. and Inzlicht M., Empathy constrained: Prejudice predicts reduced mental simulation of actions during observation of outgroups, Journal of Experimental Social Psychology, 2010


Weaver A.J., The Role of Actors’ Race in White Audiences’ Selective Exposure to Movies, Journal of Communication, Vol.61, 2011 (article payant)


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