Pourquoi je ne veux pas retourner vivre à la Réunion (du moins pour l’instant)
- Marine Baby
- 5 avr. 2022
- 2 min de lecture
Ce titre est volontaire subversif, mais il montre ma remise en question et ma décolonisation.
J'aime la Réunion et je sens que je ne suis pas complètement kréol réyonèz (créole réunionnaise), du fait que j'ai quitté l'île à seulement 14 ans. J'ai la chance de parler et comprendre le créole, d'avoir suffisamment baigné dans la culture pour qu'elle ait imprégré ma personnalité, mais paradoxalement ce départ m'a aussi fait prendre conscience de ma blanchité.
ATTENTION : il s'agit de mon ressenti et de mon cas personnel. En aucun je ne juge celleux qui ont envie et/ou ont besoin de rentrer à la Réunion pour renouer avec leurs racines et/ou pour continuer leur décolonisation ou leur activisme.

Un peu de contexte
Il y a à la Réunion, du racisme intériorisé chez beaucoup de Réunionnais et les ces derniers sont discriminés à l'embauche au profit des Zorey.
Selon le rapport MELODI ( Mesures locales des discriminations) rendu le 10 décembre 2021, les Réunionnais
Un autre exemple est la diglossie à la Réunion. Le français est vue comme la langue noble, celle qu'il faut maîtriser, malgré sa grammaire et son orthographe sans queue ni tête. A contrario, le kréol n'a pas eu de grammairien.ne.s avant la fin du XXe siècle. Parler parfaitement kréol n'a jamais été valorisé. Plus de 50% des Réunionnais ont le kréol comme langue maternelle et première, or nous sommes scolarisés en français!
Imaginez, si les Français étaient scolarisés en anglais dès la maternelle?! Vous le voyez le problème? Les difficultés scolaires que cela engendrait? Et toutes les conséquences futures qu'y en découleraient...
Quant aux Réunionnais qui parleraient et écriraient parfaitement français, iels doivent masquer leur accent de peur d'être victime de glottophobie (discrimination xénophobe des accents).
Ma place dans ce contexte
Je suis 50% zorey (blanche - européenne, en opposition au yab qui sont des créoles blancs de peau) et mon mari est zorey.
Nous parlons français dans un accent dit "neutre" et accepté socialement. J'aurais beaucoup plus de facilité à trouver un emploi. Quant à mon partenaire, il gagnerait plus qu'un Réunionnais à poste égal.
Nous serions donc des néo-colonisateurs. Nous arrivons sur un lieu qui a été colonisé et exploité, où sa population a été esclavagisée et est encore discriminée.
Cela serait d'autant plus terrible dans notre cas, car nous sommes éduqués à l'antiracisme et à l'impérialisme. Si nous nous installions à la Réunion, ce serait un comble!
Solutions
Dans les faits, nous pourrions rentrer, nous pourrions faire le choix que l'un d'entre nous ne travaille pas ou de faire en sorte de verser un pourcentage de nos salaires à des associations locales dont les objectifs seraient la préservation et le développement du patrimoine kréol.
Nous pourrions aussi adapter notre mode de vie, etc.
Bref, il existe des solutions. Mais, est-ce que cela balancerait suffisamment avec nos privilèges raciaux et sociologiques? Je ne le sais pas. Dans le doute, nous ne nous installerons pas à la Réunion et ferons des dons à ces associations à distance.
Sources
Ulysse E., Les candidats ultramarins systématiquement discriminés dans l'accès à l'embauche selon une étude, Outremer 360, 15 décembre 2021
Feltin-Palas M., Langues, accents: les discriminations oubliées, L'Express, 05 avril 2016
Comments